Un bloc de terre, pâteux, ductile, souple, s’étire, se répand sur le plan de la table au gré du rouleau qui l’aplanit. Les mains dans la terre, un geste sûr arrête le mouvement dans ses remous et fait naître l’expression. La force de la céramique est de passer de cette souple draperie à la rigidité de verre que l’émail fixe. La surface, par ses détours assouplissés, joue du volume comme le vent dans une robe ferait revenir ses dessous, autant de « poches » ou « déformations de tout ce qui et distendu, mal tendu, occupé par un amas de substance » (G. Didi-Huberman, L’Etoilement, 1998). Sur les pas du philosophe, Patrick Chambon se propose d’ « enverser » la matière, «la renverser en dedans d’elle-même » avec ses têtes en céramique. Emprises de cette tension, elles cheminent vers leur abstraction.
Dans les ourlés de cette terre se sont formées deux séries : les lièvres et les portraits. Les lièvres courent sur leur propre surface comme sur le mur dont ils s’échappent en mouvements dérobés et draperies joueuses. Quant aux portraits, les plissures de papier forment une manière de saccader la tranquille planéité de la feuille tendue et modèlent un visage qui ne soit que l’expression de ses plis. Des plis qui rient, qui pleurent, qui grincent, jouissent ou s’effraient, plis qui s’extasient comme dans la robe de la sainte Thérèse du Bernin.