Du 08/09/2015 au 01/10/2015
Ambivalence de la lumière
La lumière est ambivalente. Interagissant avec la matière, elle la rend visible, tout en demeurant elle-même insaisissable. Limite ultime constituant la valeur d’échange entre temps et espace, elle échappe à leur emprise. La lumière ne vieillit pas. Elle est de ce fait connectée avec tous les points de sa trajectoire, passés, présents ou à venir. Pour la lumière, ni le temps ni l’espace n’existent. Si la lumière est souvent envisagée comme symbole de l’évidence et de l’intuition, la question de sa nature reste aujourd’hui encore un mystère. Cette question fut à l’origine des révolutions scientifiques successives au cours des derniers siècles. Tour à tour onde ou particule, la lumière se définirait finalement, selon la physique quantique, par une combinaison de ces deux aspects, incarnée par le photon. Mais cette troisième voie continue de nous échapper, car nous ne pouvons la concevoir à partir de notre expérience sensible du monde. Le comportement du photon est en effet pour le moins étrange, menant à une vision paradoxale voire absurde, du réel. La physique quantique le décrit comme une onde de probabilité, où des états superposés coexistent. Il est ainsi sensé occuper tout l’espace avant qu’un acte de mesure ne réduise cet ensemble de possibilités à une seule, localisée en un point précis. Sur la base de ces conceptions, certaines théories contemporaines rejoignent le concept de multivers, dans lequel de nouveaux univers sont constamment créés, correspondant aux alternatives qui ne sont pas réalisées dans le nôtre. Certaines interprétations de ces théories confèrent un rôle central à l’observateur. Comme si l’observation modifiait le phénomène observé. On pourrait ainsi voir le monde extérieur comme une création subjective. Dans mes recherches, j’envisage la lumière comme une réalité partagée entre un phénomène externe et la conscience. La perception visuelle devient ainsi le matière-même de mon travail. La plupart de mes dispositifs mettent en jeu la notion de point de vue, de sorte que l’observateur se confronte à de multiples vérités coexistant au sein d’un même espace, mettant en lumière son rôle dans l’avènement de sa vision. Son oeil devient le lieu où s’opère la réduction d’un ensemble de possibles en une vérité unique, liée à sa position dans l’espace. De la même façon, certains projets présentent la lumière blanche comme la somme de combinaisons infinies, qui se révèlent dans l’espace imaginaire réfléchi par un miroir noir. Nos capacités perceptives peuvent aussi être éprouvées de manière temporelle, afin de voir littéralement comment le cerveau crée le blanc et l‘ensemble des nuances colorées, à partir d’évènements isolés. Je déploie ainsi les dispositifs nécessaires à une mise en forme des questions et paradoxes qui découlent d’une tentative de penser la lumière, en éprouvant la vision pour interroger nos certitudes quant à ce que nous nommons le réel.
Flavien Théry