Du 16/10/2015 au 21/11/2015
À la recherche d’une nouvelle cosmologie, Jacques Perconte explore le monde physique – le corps, ce qui l’entoure, la lumière, le ciel, la mer, la terre – tout en interrogeant la place du sujet dans le monde. Grâce à ses outils de prédilection, caméras, algorithmes d’encodage, programmation et logiciels de traitement de l’image, il interroge le réel au prisme de l’horizon, première ligne de construction de notre perception.
Les œuvres de Jacques Perconte mettent en évidence le paradoxe de ce concept : limité et illimité, l’horizon se situe au carrefour entre physique et métaphysique, entre connaissance et expérience.
Au rebours de son usage courant où le terme d’horizon sert souvent à désigner l’équivalent d’un point de vue personnel ou subjectif, l’horizon serait ce que l’on voit depuis ce dernier. Ce dépassement est prôné par Hans-Georg Gadamer : « Le concept d’horizon est ici à retenir parce qu’il exprime l’ampleur supérieure de vision que doit posséder celui qui comprend. Acquérir un horizon signifie toujours apprendre à voir au-delà de ce qui est près, trop près, non pour en détourner le regard, mais pour mieux le voir, dans un ensemble plus vaste et des proportions plus justes » (H.-G. Gadamer, Vérité et méthode, 1996). La « fusion d’horizons » chez Gadamer est donc l’occasion d’une « nouvelle naissance ».
Cette idée de transformation se retrouve dans la définition de Franco Farinelli. Selon le géographe, l’horizon rend possible la coïncidence entre ordre local et cosmique, il configure un trait d’union entre deux représentations du monde : une composition de processus et de relations ou un ensemble de choses. La ligne d’horizon serait donc simultanément le signal d’une métamorphose et la preuve d’une stabilité. Ainsi questionner l’horizon, sa forme, sa nature et sa fonction, c’est toujours contester l’ordre existant et provoquer la révolution (F. Farinelli, L’invenzione della terra, 2007).
De même, les paysages de Jacques Perconte sont processus, mouvements, relations, mais aussi informations, pixels, parties du code. C’est en dévoilant cette double nature de l’image que J. Perconte questionne l’horizon et par son biais notre rapport au réel. Selon Kandinsky l’abstraction ne consiste pas à vider une œuvre de son contenu, mais à éliminer tous les éléments renvoyant à l’extérieur des choses, afin de révéler ce qu’il appelle leur « nécessité intérieure » (W. Kandinsky, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, 1911).
Rendre visible les fondements de l’image numérique c’est la restituer pour ce qu’elle est et amène le spectateur à déceler la nature de ce qu’il est en train de regarder. Elle n’est plus représentation mais flux dans lequel la matière visuelle est codée dans une structure informatique, au point qu’elles fusionnent. La distance du sujet à l’image, imposée par la perspective classique, est ici drastiquement réduite. En faisant basculer ses repères, l’artiste tente d’inclure le sujet dans ce processus et de l’ouvrir à une série de possibilités. Céline Flécheux relève ainsi que « donner à la possibilité toute sa possibilité en tenant compte des conditions contingentes dans lesquelles elle peut se déployer, tel est le souhait de l’horizon porté par Bloch » (C. Flécheux, L’horizon, 2014).
Les installations de Jacques Perconte pourraient amener à croire qu’aujourd’hui l’horizon serait plutôt l’écran, le support des images du monde. L’écran n’est-il pas ce vers quoi tous les regards se dirigent ? Le lieu où – pour reprendre la définition du cinéma de Deleuze – le monde devient sa propre image ? C’est justement en déconstruisant les usages des technologies et en explorant les différentes façons de penser plastiquement l’horizon que Jacques Perconte nous invite à nous repositionner pleinement dans le réel.
Valentina Peri